Transport sanitaire : faire payer les malades ?

Le Gouvernement a annoncé son intention de réduire la dépense de transport médical (5,7 milliards d’euros en 20221 DREES, Les dépenses de santé en 2022. ), particulièrement dynamique. Cette catégorie recouvre notamment les transports de patients en ambulance, en taxis ou en véhicule sanitaire léger (VSL).

Alors que la hausse de cette dépense s’explique d’abord par le vieillissement de la population et par l’éloignement des centres de santé des patients, le Gouvernement fait le choix de mettre en place une logique de pénalisation des malades qui souffrent le plus souvent de pathologies très lourdes.

La hausse du coût du transport sanitaire est d’abord la conséquence du vieillissement de la population et de choix politiques sur l’organisation du système de santé

Le vieillissement de la population se traduit mécaniquement par une hausse du coût de la dépense de transport sanitaire. En effet, cette dépense profite principalement à des patients souffrant d’une affection de longue durée (ALD) en moyenne plus âgés : en 2020, ils représentaient 82,7% des dépenses remboursées. Les principaux bénéficiaires étaient atteints de pathologies lourdes : cancers (23%), insuffisance rénale (17%) ou maladie cardiovasculaire (13%)2 Rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’information sur les transports sanitaires, 2022, Julien Borowczyk et Josiane Corneloup.


Selon l’OCDE, la dépense moyenne de transport sanitaire en France (81 dollars par habitant) est comparable à celles des principaux pays développés : 85 dollars en Allemagne, 86 dollars en Autriche3 OCDE, via https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b5044_rapport-information.pdf .

La hausse des dépenses de transport sanitaire résulte aussi de choix de politiques liés à l’organisation du système de soins : la concentration géographique des plateaux techniques conduit à accroître la distance entre les patients et les centres de soins. Elle entraîne une augmentation des dépenses de transport. De même, le virage ambulatoire, consistant limiter le recours à l’hospitalisation, conduit mécaniquement à générer des dépenses de transport supplémentaires. Pour l’IGAS, l’IGF et l’IGA4 Inspection générale des affaires sociales, inspection générale des finances et inspection générale de l’administration, Les transports sanitaires - Revue de dépenses 2016. , il s’agit de facteurs structurels de hausse de la demande de transport sanitaire.

La Cour des comptes5 Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 2019. constatait qu’en 2017, les dix départements avec la dépense moyenne par habitant la plus élevée en transport sanitaire étaient des départements ruraux à la population vieillissante.

Pour maîtriser cette dépense, le Gouvernement met en place un système de pénalités pesant sur les malades

Le Gouvernement souhaite inciter au développement du transport partagé afin de réduire cette dépense. Cependant, plutôt que de d’agir sur les transporteurs, la charge repose sur les assurés.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit un mécanisme de malus pour le patient refusant un transport partagé : il n’aura pas le droit au tiers payant et sera remboursé sur une base moins favorable.

Les garanties prévues par la loi sont faibles : elle mentionne uniquement que l’état de santé ne doit « pas être incompatible » avec cette solution de transport, sans définition précise garantissant la prise en compte éventuelle du handicap, l’exposition à des pathologies infectieuses, etc.

Or, le transport sanitaire souffre déjà d’un manque de prise en compte des besoins des patients. La Cour des comptes6 Ibid. jugeait ainsi que les exigences concernant les taxis, qui représente 48% des trajets en 2020 contre 16% en 1995, sont « minimales » (présence d’une trousse de secours, respect de règles d’hygiène, etc.) et peu contrôlées et suivies. Elle rapporte les situations de véhicules inadaptés au transport de personne en situation de handicap se traduisant « par des situations objectives de maltraitance ».

Selon l’assurance maladie, les économies à attendre d’une mesure qui pèsera d’abord sur les plus vulnérables sont faibles : 50 millions d’euros en 2024. Elles serviront notamment à financer pour les transporteurs sanitaires privés « un nouveau dispositif d’incitation financière » au transport partagé7 Prévu par l’avenant Arrêté du 3 mai 2023 portant approbation de l'avenant n° 11 à la convention nationale organisant les rapports entre les transporteurs sanitaires privés et l'assurance maladie signée le 26 décembre 2002. , consistant probablement en des revalorisations tarifaires8 Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : les propositions de l'Assurance Maladie pour 2024. .

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